samedi 30 novembre 2013

L'inaltérable Ryan Giggs

Salut à tous,

Ryan Giggs a eu 40 ans hier. Quarante ans ! C'est pas dur, c'est un des rares footballeurs en activité plus âgés que votre serviteur, c'est dire. Revenons sur un cas atypique au plus haut niveau... et encore compétitif.

L'ailier devenu patron

Si Giggs me touche autant, c'est déjà parce qu'il a commencé à jouer un peu après que je commence à m'intéresser au football. Moi c'était à l'automne 1990, lui début 1991, à 17 ans. Et c'était à Manchester United, évidemment, son seul et unique club, pour qui il a joué la bagatelle de 953 matches, série en cours. Il a traversé les époques, connu Eric Cantona puis David Beckham et Ronaldo avant Rooney, l'arrêt Bosman et même le rachat - insupportable pour une partie des supporters historiques de United - du club par un milliardaire américain, qui n'a pourtant pas franchement changé le visage et le quotidien d'un ManU qui côtoyait déjà les sommets avant lui sans dépenser plus qu'il ne gagnait. Il a un peu reculé sur le terrain, mouvement logique pour un joueur de son âge, à l'image d'un Matthaus terminant
sa carrière au poste de libero. Lui est cependant resté au milieu, se recentrant dans l'axe. Ancien ailier virevoltant, il aurait pu terminer latéral, par exemple. Mais les duels du milieu de terrain lui auraient trop manqué, et son sens du jeu lui permet de rester compétitif à un bon niveau.

A part ses tempes et sa barbe grisonnantes, quand on le voit évoluer sur le terrain, on n'a pas vraiment le sentiment qu'il n'a débuté à United qu'un peu plus de trois ans après l'arrivée de son mentor, Alex Ferguson. Il aurait pu se lasser après les 13 championnats, les quatre Cups, les quatre League Cups ou les deux Ligues des Champions glanés, mais non, il court toujours comme un lapin. Bon, âgé le lapin, mais quand même... A chaque saison, on se dit que ce sera sûrement la dernière... mais non, il est toujours là, battant l'été dernier son vieux compère Paul Scholes, jeune retraité qui s'était arrêté une première fois en 2011 avant de vite revenir en janvier 2012, à 37 ans.

Pourtant, il n'est pas le recordman en Angleterre : depuis 1992, trois joueurs ont fait mieux que lui. Il rejoindra Teddy Sheringham dans 271 jours (la saison prochaine, quoi) et Gordon Strachan dans 81 jours. Quant à Kevin Phillips, l'attaquant de Crystal Palace... bah il joue toujours, à 40 ans et 89 jours. Ailleurs, Alessandro Del Piero joue toujours, en Australie, à 39 ans, tout comme Javier Zanetti (40 ans), à l'Inter Milan. On se souviendra également de Dino Zoff qui gagnait une Coupe du Monde à 42 ans, en 1982, et plus loin encore de Sir Stanley Matthews, qui jouait encore en première division, avec Stoke City, en 1965, à l'âge de 50 ans. Pas mal pour un ailier, huit ans après avoir arrêté sa carrière internationale...

A propos de ces joueurs attachés à leurs couleurs comme des huitres à leur bouchot qu'ils sont des exemples, que c'est incroyable de toujours rester dans le même club à l'heure des mercatos animés et des sommes folles dépensés. C'est en partie vrai, mais il ne faut pas oublier un détail : il est quand même plus "facile" de souhaiter rester jouer dans un immense club comme United pour ces deux là, le Real pour Raul ou Casillas, la Juve pour Del Piero ou Milan pour Maldini que lorsque vous avez été formé à Valenciennes ou Southampton, avec tout le respect qu'on doit à ces clubs. Rudy Mater, lui, il a du courage. Giggs, de la persévérance et un physique et un professionnalisme sans faille.

Un Manchester anglophone

Lors de sa première saison à Manchester, en 1990-91, il côtoiera des joueurs littéralement d'un autre temps comme Jim Leighton, le mythique gardien de la sélection écossaise (82-98 !), le colossal Steve Bruce, qui marquera 19 buts cette saison là de son poste de stoppeur, dont 10 penalties, Viv Anderson, officiellement le premier joueur noir à jouer en sélection anglaise, de 1978 à 1988, l'immense Bryan Robson, 90 sélections de 1980 à 1991 et qui s'arrêtera à 39 ans et 355 jours, et bien sur l'ailier écossais Brian McClair ou le buteur gallois Mark Hughes, ces deux là inscrivant chacun 21 buts toutes compétitions confondues. Une véritable équipe britannique, avec un seul non anglophone dans son effectif (l'ailier droit russe Kanchelskis, 22 ans et un seul match joué cette saison là), rude au mal, agressive, avec des dents en moins et une technique assez rudimentaire, à part pour quelques uns, dont Giggs, et qui terminera cinquième du championnat derrière Arsenal, Liverpool, Crystal Palace et ... son voisin City, qui n'a donc pas toujours été ridicule vis à vis de United avant l'arrivée des Emirati.

Il débute le 2 mars 1991, entrant en jeu à la 35e minute d'un match contre Everton, à la place de Dennis Irwin. Un match perdu 0-2... on le revoit ensuite deux mois plus tard, le 4 mai, titulaire lors du derby contre City, justement, remporté (1-0) par United... sur un but de Giggs, à la 22e minute, d'une déviation au premier poteau sur un centre dévié de McClair. Y a pire pour un tel symbole du club de marquer son premier but contre le voisin honni, et lors de son deuxième match seulement... Les images font tellement vieilles qu'on a du mal à imaginer que le buteur de ce match évolue encore sous les mêmes couleurs... L'année suivante, celle qui voit l'arrivée de Peter Schmeichel en provenance de Bröndby - le fils du mythique gardien danois, Kasper, 27 ans, évolue en League One, à Leicester -, il joue 51 matches, à 18 ans, et marque 7 buts. La légende est lancée.


Il est l'aîné de cette génération de gamins lancés par Ferguson au début des années 1990 : Giggs débutait donc en 1991, Gary Neville, Nicky Butt et David Beckham en 1992, tandis que Cantona explosait en rouge, et Paul Scholes en 1994. Si Butt n'a pas confirmé son talent après avoir quitté le club en 2004, avec un passage à Newcastle avant de terminer en Chine, en 2011, Neville a lui aussi effectué toute sa carrière à MU, jusqu'en 2011, tandis que Beckham en terminait l'été dernier, sur un titre à Paris. Tous avaient entre 35 et 38 ans. L'air du nord anglais doit avoir du bon...

Bientôt 1000 matches avec ManU ?

Giggs, qui est également l'adjoint de David Moyes depuis cet été, c'est donc 1018 matches, sélection inclue, dont 953 avec Manchester, 666 en championnat, 159 en Coupe d'Europe (dont 148 en C1), 74 en Cup et 40 en League Cup, sans parler de ses... 14 Community Shields (9 succès). Il en est également à 182 buts, dont 114 en championnat, 30 au niveau européen, tous en Ligue des Champions, 12 en Cup et autant en League Cup, et 13 en 65 sélections. Dans ce domaine, il a eu des pics à 18 en 1994, ou 16 en 2003. Depuis, il n'a plus dépassé 9, mais en a quand même marqué 5 l'année passée...

Voyons un peu les duels avec les clubs français... la dernière fois, c'était en mars 2011, contre Marseille (victoire 2-1). Puis il faut remonter à un huitième de finale à Lyon, en 2008 (match nul 1-1, et qualification). La saison précédente, il y eut le fameux épisode du coup-franc qu'il marqua à Lille, en février 2007, toujours en huitièmes de finale (0-1), et que les Nordistes ne digérèrent pas vu qu'il n'avait pas attendu le coup de sifflet de l'arbitre pour frapper... en octobre 2005, un match nul (0-0), encore contre Lille, en phase de poule, à Old Trafford, puis un autre match nul, à Lyon, en septembre 2004 (2-2). Vous noterez qu'à chaque fois, Giggs ne joue qu'un des deux matches seulement... ce ne fut pas le cas contre Nantes, lors du double affrontement lors de la deuxième phase de poule 2001-02 (1-1, 5-1). Lors de la même saison, ManU avait affronté Lille au premier tour, et Giggs avait participé au match aller, victorieux (1-0) sur un but de Beckham. Il y eut aussi le double affrontement contre Bordeaux, en mars 2000, avec à la clé deux succès des Anglais (2-0, 2-1) avec un but de

Giggs à l'aller, à Old Trafford. Seule défaite de Giggs contre un club français ? A Marseille, en octobre 1999 (1-0). Bilan du Gallois contre les Français : 11 matches, 6 succès, 4 nuls, 1 défaite, et deux buts marqués.

Un lien entre deux époques

Le drame de Giggs est celui que vécu le Finlandais Jari Litmanen ou le Libérien George Weah, par exemple : celui d'évoluer dans une sélection trop juste pour se qualifier pour une grande compétition internationale, ce qui explique, par exemple, son si petit nombre de sélections (65), diluées entre 1991 et 2007, soit quatre par an en moyenne... le Pays de Galles qui n'a participé qu'à une seule Coupe du Monde, en 1958, avec d'ailleurs un quart de finale à la clé, et aucun championnat d'Europe. En sélection, Giggs a accumulé 22 succès, 16 nuls et 27 défaites. Un bilan un peu différent que celui qui est le sien en club. Il n'a ainsi perdu que 31 fois en 148 matches de Ligue des Champions...

Ce qu'il faut comprendre avec Giggs, c'est le lien qu'il crée entre deux époques différentes, et pas seulement par rapport à l'arrêt Bosman et à l'afflux de joueurs étrangers dans les effectifs anglais. Manchester a fait parti de ces grands clubs qui se sont métamorphosés dans les années 90, notamment en profitant pleinement de cette nouvelle donne, en 1996. Lorsque Giggs a débuté, on l'a vu, Manchester n'était qu'un bon club anglais, au passé glorieux mais ancien, qui n'avait plus été champion depuis 1967, gagnait certes la Coupe des Coupes en 1991 mais n'avait gagné qu'une seule Ligue des Champions, en 1968. Dans les années 70 et 80, une demi-douzaine de clubs le dominaient sur le plan domestique, notamment Liverpool, Nottingham Forrest ou Leeds, et le club avait même fréquenté l'étage inférieur en 1974-75. Depuis que Giggs est arrivé, Manchester a plus été champion (13 fois) que non champion (10) et n'a jamais quitté le podium (6 fois 2e), hormis lors de sa première année, riche de deux matches...

Bref, longue vie à Ryan Giggs... Je vous laisse, à plus tard !

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