dimanche 14 octobre 2012

Les échecs de la Ligue 1

Salut à tous,

Ce matin, je suis devant la rediffusion de Colombie-Paraguay, match qualificatif pour la Coupe du Monde 2014 (à laquelle j'ai l'espoir de pouvoir aller y assister, je vous tiens au courant dès que les premiers billets sont en vente...), qui se terminera sur un logique 2-0, par un nouveau doublé de l'exceptionnel buteur Radamel Falcao. Dans l'équipe battue, dernière de la poule d'Amérique du Sud et qui aura du mal à se qualifier le Mondial, pour la première fois depuis 1994, figure tout de même un petit gaucher, très technique, dont le nom me dit bel et bien quelque chose : Marcela Estigarribia. Une raison pour laquelle l'actuel joueur de la Sampdoria, passé par la Juventus la saison passée (14 matches, 9 titularisations, 1 but en Serie A avec le champion d'Italie), ne m'est pas inconnu : il a évolué très récemment au Mans, en Ligue 1.

Entre août 2008, date de son arrivée du Cerro Porteno à même pas 21 ans, et janvier 2010, date de son prêt de deux ans à Newell's Old Boys, en Argentine, le petit ailier paraguayen n'a pas réussi à percer dans une équipe mancelle qui comptait encore dans ses rangs des clients comme Gervinho, Basa, Corchia, Helstad, Le Tallec ou Coutadeur, du moins lors de la
première de ses deux saisons. Aligné 7 fois en championnat, dont trois fois en tant que titulaire, Estigarribia n'est pris au sérieux ni par Yves Bertucci, ni Daniel Jeandupeux, qui prend la relève début février 2009, alors que Le Mans est... treizième. Le MUC terminera 16e, à trois points de la zone rouge... Lors de sa deuxième saison, il ne joue que 5 matches (1 titularisation) dans une équipe délestée durant l'intersaison de Gervinho et Coutadeur, dirigée par Paulo Duarte puis Arnaud Cormier, et qui descendra en fin de saison. Le Paraguayen, lui, part en Argentine, où il jouera beaucoup en 18 mois (52 matches), tout en s'imposant en sélection.

En 2011, il dispute la finale de la Copa America contre l'Uruguay (0-3). A son retour au Mans, le club est en Ligue 2, et il est transféré fin août à la Juventus, où il joue plus qu'il ne l'avait jamais fait dans la Sarthe. Aujourd'hui, c'est un pilier de la Sampdoria. Un bon technicien, un dribbleur, qui marque peu (4 buts depuis son arrivée au Mans, il y a 4 ans et demi !) mais qui s'est tout de même imposé dans un des meilleurs championnats du monde, et qui, on peut le penser, aurait pu faire beaucoup de bien à une équipe du Mans en manque de talent, au moins durant l'année de sa descente en Ligue 2. Alors, pourquoi un tel échec ?

Les erreurs de jugement ne sont pas spécifiquement françaises, mais que des clubs comme Le Mans, qui ont pourtant réussi à le détecter dans un petit championnat, qui ont donc décelé chez lui des qualités intéressantes, ne s'appuient pas sur ces mêmes qualités alors que ce genre de talent est rare dans notre championnat, est très typique de la mentalité française. Il suffit de voir comme le procès contre Jérémy Ménez se développe depuis son match pourtant intéressant contre le Japon (0-1). Les joueurs qui provoquent, qui percutent, prennent des risques, des joueurs qui attirent pourtant les foules, sont dénigrés en France, pays du sacro-saint bloc-équipe et de la passe assurée. Quand ces joueurs passent, ils sont considérés comme des génies. Quand ils ont moins de réussite, ils sont dénigrés.

Il y a aussi le fait qu'il est difficile, en France, de s'exprimer pour un attaquant, même de haut niveau, même si les bons débuts d'Ibrahimovic en Ligue 1 viennent en partie contredire cet état de fait. Mais regardez, par exemple, la saison de Fernando Morientes avec Monaco, en 2003-04 : 10 buts en 28 matches de Ligue 1, 9 buts en 12 matches de C1. Morientes n'était pas un joueur qui ne marquait que dans les grands évènements, il marquait tout le temps (124 buts en 334 matches de Liga, en étant souvent remplaçant au Real...), mais la
Ligue 1, son jeu fermé, physique, son manque d'espace, lui permettait moins de s'exprimer que la Ligue des Champions, plus talentueuse mais surtout plus ouverte tactiquement.

Le cas d'Estigarribia me fait penser à beaucoup d'autres joueurs, sur lesquels les clubs de Ligue 1 se sont plantés, et qui sont allés démontrer leurs qualités dans des championnats plus propices aux joueurs offensifs, au spectacle, au beau jeu, et qui en plus gagnent des trophées européens. Regardez le destin de Papiss Cissé, qui ne marquait qu'en Ligue 2 avec Metz, et qui depuis son départ de Lorraine, n'arrête pas de planter, que ce soit à Fribourg, en Allemagne (39 buts en 30 mois) mais aussi à Newcastle (13 buts en 14 matches entre janvier et juin) même s'il a plus de mal cette saison (0 but). Depuis janvier 2010 et son départ de Metz, Cissé a marqué 63 buts, toutes compétitions confondues...

Je ne reviendrais pas sur le cas de Luis Fabiano, ignoré par Rennes dans sa jeunesse avant de devenir un des meilleurs buteurs de l'Histoire de la Liga, tellement il est accablant. Mais que dire par exemple de celui de Fredy Guarin, milieu de terrain colombien très technique et doté d'une frappe de balle hors du commun ? Parfois titulaire, parfois remplaçant avec Saint-Étienne (41 matches entre 2006 et 2008, 1 but), il est ensuite allé s'imposer au FC Porto, remportant trois championnats (116 matches en 3 saisons et demie) avant de partir à l'Inter Milan, au début de l'année. Après six mois quelconques (6 matches), Guarin joue désormais régulièrement avec le champion d'Europe 2010, notamment en Europa League. Comment un tel joueur n'a-t-il pas pu réussir dans notre championnat ? Toujours pareil : on préfère les fastidieux aux talentueux, les gestionnaires aux audacieux. Et les espaces sont inexistants.

Et Ibisevic ? Certes, il était jeune lors de son passage à Paris puis Dijon (20-21 ans), en provenance de la réserve des Chicago Fire... Certes, le voir réclamer une place de titulaire au public du Parc des princes avec un statut aussi bancale sembla étrange. mais après coup, à côté de quel talent est encore passé à côté la Ligue 1, qui en manque pourtant tant ? Depuis
son arrivée en Bundesliga en 2006 (Aix-la-Chapelle, Hoffenheim, Stuttgart) il a marqué 71 buts, toutes compétitions confondues, plus 13 buts en sélection serbe. Pourquoi les Allemands parviennent-ils à faire briller des attaquants qui semblent si quelconques en France ? Sans doute parce qu'ils aiment les buts et les attaquants, et qu'ils aiment les mettre dans de bonnes conditions. En Allemagne, la priorité d'un attaquant n'est pas de défendre, mais de marquer des buts.

Et enfin, pourquoi n'y a-t-il jamais de joueurs asiatiques en Ligue 1 ? Et quand c'est le cas, leurs gabarits, souvent médiocres, ne collent que rarement à la politique du muscle et de la puissance toujours en vogue en Ligue 1, malgré les exemples récents de Verratti, par exemple. En regardant France-Japon, le public français a du se rendre compte qu'il existait d'excellents footballeurs en Asie. Regardez le nombre de Japonais ou de Coréens en Allemagne, mais aussi en Angleterre ! Jetons un œil au classement des meilleurs buteurs de Bundesliga : deuxième, Heung-min Son, attaquant de Hambourg (4 buts) ; 7e, Takashi Inui, révélation japonaise de Francfort (3 buts). Cette année, avec le départ de Nam (Valenciennes) ou Matsui, il n'y a plus de joueurs asiatiques en France. Dommage, leurs qualités techniques, collectives, leur discipline et - surtout - leur faible coût seraient un sacré atout pour la Ligue 1. Parlez en à Dortmund, qui a acquis le buteur au stade de France, Kagawa, en deuxième division japonaise pour 350 000 euros, et l'a revendu à MU pour 15 millions ! De quoi acheter plein d'autres très bons joueurs asiatiques... Si seulement ça pouvait donner des idées aux recruteurs français... mais aussi aux entraîneurs, au moment de choisir leurs équipes.

Allez, à plus tard.

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