samedi 23 juin 2012

Estoquer le Toque

Bonjour à tous,

Vous la ressentez, cette tension ? Cette attente, cette excitation, cette impression d'avoir hâte d'y être, que tout soit terminé pour enfin savoir, quitte presque à zapper le match lui-même pour simplement connaître le résultat, parce que c'est trop dur d'attendre. C'est trop cruel. Et en même temps, cette appréhension : affronter la meilleure équipe du monde, ça peut souvent très mal se passer. Si cette dernière est à son top, si elle retrouve la réussite qui lui échappe un peu dans cet Euro, ça pourrait faire très mal.

Ça va, ça vient

Il n'y a que le sport, et en particulier les sports collectifs, et notamment le foot, et surtout ces grands tournois internationaux, qui peuvent nous faire ressentir ça. Cette tension continuelle, palpable, cet enchaînement de sentiments divers et variés qui nous font prendre le Grand Huit des émotions et des impressions. Mexès avait été très satisfaisant contre l'Angleterre et l'Ukraine ? Impression disparue en un seul match, durant lequel il fut nettement moins protégé par son milieu. Nasri enfin décisif et utile collectivement ? Fini, terminé. Ben Arfa, possible hit de l'été, après des années passées à apprendre à jouer simple au lieu de tricoter inutilement ? A la poubelle. La France, possible vainqueur de l'Euro ? Soyons sérieux... Tout ça, en un seul match. Même chose lors des matches de préparation : plus bas que terre après la bouillie pourtant victorieuse et marquée d'un bon état d'esprit contre l'Islande (3-2), elle est devenue après les deux autres matches une machine de jeu emballante et qui allait enfin réconcilier cette équipe avec son public. Comme si un public devait normalement avoir besoin de se réconcilier avec son équipe nationale... cas unique dans le monde... sauf en Espagne, peut-être.

C'est la dure loi de l'analyse sportive. Aucune analyse sur le long terme, seule la dernière impression compte, elle masque tout ce qui a eu lieu avant. En particulier pour Mexès, encensé à chaque bon match en Bleu, mais ces derniers semblent disparaître à chaque fois qu'il est un peu moins bien. Dur métier.

Un seul joueur, ressuscité après le premier match contre l'Islande et son but sorti du banc, a traversé sans changer de statut ces six matches, c'est Ribéry, avec Cabaye. Lui, le changement a eu lieu au début, mais depuis il aligne les performances de haut niveau, même contre la Suède, ce qui embête prodigieusement ses nombreux détracteurs, dont l'opinion sur l'ailier du Bayern repose en grande partie sur des thèmes qui n'ont pas grand rapport avec le sport - il va aux putes, il parle très mal français, c'est une racaille, il s'est converti à l'Islam. Mais ne vous inquiétez pas, s'il se rate sur un match, ce sera pareil que pour Mexès : tout sera instantanément oublié.

Petit aparté : je me fiche complètement des problèmes extra sportifs des joueurs. Et pas seulement parce que ce blog n'est consacré qu'au foot, rien qu'au foot. Tout comme les analyses des journalistes "généralistes" sur le sport sont souvent d'une platitude et d'un niveau extrêmement faible, celles des journalistes sportifs - qui se démarquent souvent à peine de leurs collègues sur leurs analyses sportives, d'ailleurs... - sur des sujets généralistes, sur le mental des joueurs, leurs attitudes, leur argent, leurs habitudes sexuelles ou familiales, leur langage, voire leur religion, est toujours d'un niveau pathétique. Je me fiche royalement de savoir si Nasri est un petit con ou un puits d'intelligence. Cruyff, Maradona, Schuster ou Ibrahimovic et Ronaldo aujourd'hui sont ou ont manifestement été - mais pour cela il faudrait faire complètement confiance à la presse sportive de toutes sortes et toutes origines, ce qui n'est pas mon cas - des têtes de con de première, des indécrottables individualistes doublés de personnages aux relations parfois très douteuses. Mais c'étaient et ce sont des footballeurs exceptionnels, et c'est là que je m'y intéresse. Si Nasri est bon, il peut rester, s'il est nul, moins. La haine intégrale exprimée - je veut dire vomie - par Larqué contre la Suède envers le joueur de City était symbolique. Il n'a pas été plus nul que les autres, simplement il paie son image extra-sportive : il pique le siège des anciens dans le bus, il est égocentrique... la belle affaire ! Même chose pour ces histoires d'"insultes" dans les vestiaires. Y a-t-il réellement un intérêt à suivre ces âneries ? A part pour renouveler son record d'audience d'il y a deux ans, il n'y avait aucune raison pour que l’Équipe face un dossier spécial sur le sujet... le langage fleuri dans les vestiaires, c'est aussi vieux que les engueulades dans les rédactions de tous les pays. Dans ces dernières, les journalistes se démontent plus dans le dos qu'en face, c'est tout.

Répéter 1986, 2006

Revenons au football. Quelles sont nos chances ? Historiquement, la France n'est jamais aussi forte que lorsqu'elle n'a aucune chance. Ce fut le cas avant 58 - les Bleus ne gagnaient plus depuis quelques semaines, et certains se demandaient s'il ne fallait pas déclarer forfait... - avant 82 - lire l'Equipe Mag de la semaine dernière, et sa rétrospective 30 ans plus tôt - avant 98 - là, vous deviez être nés - et avant 2006. Nous n'étions pas forcément favoris avant de battre l'Italie championne du monde et le Brésil, meilleure équipe du monde à l'époque, en 1986. Nous ne l'étions pas non plus avant le finale de 1998, toujours contre le Brésil. Et nous ne l'étions pas en 2006, avant d'affronter les mêmes Brésiliens, battus à la régulière (1-0) après avoir affronté et donc éliminé l'Espagne (3-1), qui n'avait pas encore son statut d'aujourd'hui mais qui s'apprêtait à l'avoir, et qui avait gagné ses trois matches de poule en marquant 8 buts, dont 4 contre l'Ukraine, future quart de finaliste. A chaque fois que nous avions dû escalader ces montagnes, le paysage avait été somptueux au sommet.

Bien sûr, à d'autres époques moins glorieuses, la France avait chuté dans l'ascension. En 78, l'Italie et l'Argentine nous avait dominé dans notre poule. Même chose pour l'Angleterre et l'Uruguay, en 1966, ou l'Autriche, à l'époque surnommée la Wunderteam, en 1938 (1-3). On ne peut pas faire de miracles à chaque fois, c'est même le principe d'un miracle, sinon ça n'en serait plus un.

On ne peut pas savoir ce que cette équipe a vraiment dans le ventre avant qu'elle ait du jouer ces matches. La France de 1982 était devenue légendaire après avoir résisté, voire mangé les Allemands en demi-finales de 1982. Pas avant, parce que son parcours jusque là - fessée par l'Angleterre (3-1), elle avait ensuite battu le Koweit (4-1) avant de tenir en échec la Tchécoslovaquie (1-1), avant de dominer en deuxième phase de poule les "terrifiantes" équipes d'Autriche (1-0) et d'Irlande du Nord (4-1)... - n'a rien d'exceptionnel. Elle avait confirmé son statut de grand en éliminant le Brésil en 1986, au terme d'un des plus beaux matches de l'Histoire. Elle avait atteint le nirvana des équipes mythique en humiliant le Brésil, encore, en final du Mondial 1998 (3-0). Elle était redevenue une grande équipe en 2006, en éliminant l'Espagne et le Brésil au terme de matches de très haut niveau. Avant cela, elle n'était pas grand chose en général. Ribéry, Platini, Zidane ou d'autres étaient sortis métamorphosés de ces matches couperets contre des équipes qui ne s'attendaient pas à perdre, en général.

Contrer l'Espagne par le jeu, est-ce possible ?

Comment jouer contre des équipes comme celles-ci, supérieures techniquement, collectivement, et au top moralement, après six années de succès quasi consécutifs ? C'était comme affronter la France il y a 10 ans, il valait mieux numéroter tes abatis avant. Quelques soient les hommes alignés, il faudra une parfaite cohésion entre eux, et je ne parle pas seulement humainement, tactiquement aussi. Il faudra qu'ils jouent chacun l'un pour l'autre. Le meilleur exemple c'est 2006 : la France, vieillissante et sortie très difficilement de son groupe (nuls contre la Corée et la Suisse, succès contre le Togo...), affrontait une équipe espagnole parfaitement huilée et déjà présentée comme un ogre. Mais les Bleus avaient sorti un match défensif et collectif parfait, et placé deux contres assassins et victorieux. Mais l'Histoire, si elle se répète souvent, ne le fait jamais quand on s'y attends, c'est tout son charme. Ce match sera différent, forcément.

Il faudra défendre comme des chiens, mais pas forcément en défense, au milieu surtout, là où tout se fait côté espagnol. Les empêcher de jouer, mais pas seulement. Il faudra jouer aussi, parce que le football ce n'est pas Chelsea ni la Grèce. Il faudra défendre haut, bloquer les passes de Xabi Alonso et Xavi, et surtout priver Iniesta et Silva de ballons. Ces deux là, s'ils sont servis, vous êtes morts, ce n'est pas dur. Ça ressemble au supplice se Sisyphe, sauf que là ça s'arrêtera normalement après 90 minutes, voire 120.

Le grand débat actuel se situe sur la composition du milieu français, la défense et l'attaque, malgré la demande déraisonnée des gens pour Giroud - on a personne à la place de Benzema et Giroud, on fait rentrer qui si l'un des deux est fatigué ou blessé ? Et qui au plus haut niveau joue avec deux pointes, franchement ? - étant déjà connus. En défense, Koscielny est face au grand défi de sa jeune carrière. Il a le potentiel, manque l'expérience. Mais il peu s'en sortir si le milieu fait son job. En attaque, Ménez, le seul attaquant avec Ribéry à avoir donné satisfaction, devrait épauler Benzema et le Bavarois. A moins que le côté un peu perso du Parisien ne convienne pas à Blanc... mais la France aura surtout des occasions en contre, et Ménez doit pouvoir les mener.

Au milieu, Diarra a fourni un gros premier tour, mais a semblé fatigué contre la Suède. On le sait, il n'a pas le physique pour jouer aussi souvent, et un Diarra inutile est un poids mort. Surtout que son jeu de tête, face à la Roja, ne sera pas forcément très utile, vu que le ballon ne quittera pas le sol. Je suggère donc de faire plutôt jouer M'Vila. De toutes façons, pour contrer les Espagnols, il ne faut pas de grands costauds facilement contournables par la vitesse des joueurs ou du ballon, il faut des joueurs mobiles, rapides et bons relanceurs. M'Vila est de ceux là. Cabaye, lui, fera son retour et au vu de son niveau affiché en Bleu cette année, il n'est pas discutable. Quid du troisième ?

Plus personne ne veut de Nasri, et en premier lieu Laurent Blanc, ça se sent dans ses déclarations. Reste un choix cornélien : soit essayer de jouer le jeu en alignant Valbuena ou Martin, les plus espagnols des joueurs français, mais on s'expose alors à laisser plus d'espace, moins d'impact au milieu ; soit on aligne un défensif du genre Matuidi, qui manque de compétition mais qui est frais, qui est une teigne, qui ne lâche rien, qui récupère des ballons impossibles et qui, en plus, possède une relance très propre. Mais là, on perd quand même un peu en technicité et en vitesse. Mais est-ce là-dessus qu'on peut rêver faire jeu égal avec l'Espagne ?

Il ne faut pas blinder, parce que, on l'a vu hier entre l'Allemagne et la Grèce, ne faire que défendre contre de telles équipes, à partir d'un certain niveau, et malgré le contre exemple miraculeux de Chelsea, ça peut surtout se payer très cher. Bafouer le jeu, le nier, n'est pas une solution, et on le paie toujours. Le FC Barcelone a des moments sans, mais depuis 20 ans et sur la durée, il n'a pas à se plaindre de son choix de jeu, qui lui a offert les plus grands trophées. Mais aussi et surtout le cœur des amoureux du football, qui n'est pas facile à conquérir.

C'est à Blanc de décider, ça ne sert à rien de réclamer ou de râler lorsqu'on découvrira son équipe. C'est le résultat qui décidera a posteriori. Et si ça se passe mal, là les Yodas de l'analyse footballistique pourront dire "raison j'avais, il fallait faire jouer tartempion". La critique est facile, l'art est difficile... je le disais pour Domenech, je le dis pour Blanc, même s'il est infiniment plus protégé que son prédécesseur. Ça aide d'avoir tous ses amis aux postes de chroniqueurs (Dugarry, Lizarazu, Ménes...). A Knysna, la grève, c'était la faute de Domenech, certains croyant même encore aujourd'hui qu'il en faisait parti. A Kirsha, c'est que la faute des joueurs. Limpide !

Allez, je vous laisse, on reparle de tout ça demain. Quand on saura, enfin !

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