mercredi 11 avril 2012

De la théorie du complot

Salut à tous,

Ce soir a lieu, comme vous le savez, le match en retard entre Montpellier et Marseille, qui offre aux Héraultais une occasion unique de compter trois points capitaux d'avance dans la course au titre, par rapport au PSG - à sept journées de la fin, ce serait un énorme avantage, et aux Marseillais de gagner enfin un match après 11 échecs consécutifs dans ce domaine. Au classement, l'OM passerait à la 8e place, maigre consolation, mais gagnerait peut-être aussi un peu de confiance en vue d'un match encore plus important pour lui, celui qui l'opposera à Lyon ce week-end, en finale de la Coupe de la Ligue. Si tant est, bien sûr, qu'en dehors du gain d'un trophée que lui seul ne gagne dans cette décennie, le club olympien soit réellement intéressé par la Ligue Europa, qui coûte cher, rapporte peu, intéresse encore moins (du moins en France, et notamment à Marseille) et qui bouffe de l'énergie et du temps. On peut supposer que si Montpellier avait disputé une compétition européenne cette saison, il ne serait peut-être pas aussi bien classé, mais on ne le saura jamais.

On l'a vu, l'intérêt sportif de ce match en retard est relatif pour les club phocéen. Son intérêt symbolique est double et contradictoire : renouer avec la victoire contre un candidat désormais assumé au titre, ou perdre et ainsi mettre plus qu'un bâton, une buche, un tronc dans les roues parisiennes. Autant que le dépit né de cet enchaînement incroyable de défaites, la solidarité avec leurs voisins montpelliérains, même si les rencontres entre les deux clubs sont souvent heurtées et riches en expulsions, et la haine envers l'ennemi jacobin parlent lorsque certains supporters affirment souhaiter la défaite de leurs favoris, ce soir.

Effacer 1999

Il y a en plus un antécédent à solder, une vieille affaire à régler, un compte à rendre : le fameux titre de 1999, soit-disant offert aux Bordelais de Feindouno par les Parisiens. Une blessure marseillaise qui ne se fermera - peut-être - que si elle est compensée par ce genre de monnaie rendue : une défaite assumée face à un concurrent du PSG pour le titre. Mais revenons plutôt sur cet épisode que les plus jeunes doivent avoir du mal à remettre.

Mai 1999. Le Bordeaux d'Elie Baup et le Marseille de Roland Courbis sont à la lutte pour le titre, très loin devant le troisième, Lyon, qui finira à 9 points du champion girondin. Avant la 32e journée, qui voit Marseille se déplacer au Parc des Princes, l'OM a deux points d'avance sur Bordeaux, à trois journées de la fin (il y avait 18 clubs en Ligue 1 à l'époque). Le titre lui semble promis, surtout que le PSG n'est que l'ombre de celui qui, trois ans plutôt, avait remporté la Coupe des Coupes, et se traîne à la 10e place, à 29 points des Olympiens. Algérino, Rabésandratana, Carotti, Goma, Aliou Cissé, Yanovski, Madar ou Adailton, soutenus, quand même, par Lama, Okocha ou Simone, défient donc en tremblant Blanc, Gallas, Luccin, Pirès, Ravanelli, l'ancien parisien Maurice ou Dugarry. Effectivement, vu comme ça il n'y a pas photo. Ça va être une boucherie.

Et effectivement, il n'y a pas photo, du moins pendant une heure, à l'issue de laquelle l'OM mène au score grâce à un but de Maurice, évidemment. Et là, les probables futurs champions commencent à chambrer sur le terrain, ils tentent des râteaux, des talonnades, ils tricotent. Piqués au vif, les Parisiens, brouillons, maladroits, se réveillent soudain dans les dix dernières minutes, et se mettent même à bien jouer : au terme d'une belle action collective, Simone égalise d'une superbe frappe. Puis, après que Luccin - futur parisien - se soit fait chiper la balle après avoir tenté trois talonnades d'affilée, Madar, déjà passeur sur le premier but, envoie Bruno Rodriguez, entré en jeu à la 60e, dribbler Porato et offrir un succès inespéré aux Parisiens (2-1). Comme je l'ai dit dans un post précédent, ça faisait 4 ans et 5 matches que le PSG n'avait pas battu le géant provençal. Dans le même temps, Bordeaux a gagné à Lens (2-4) : changement de leader.

Le cas Adailton


Deux journées plus tard, Marseille ira gagner à Nantes grâce à Pirès (0-1), et Bordeaux, toujours leader avec le même point d'avance, se déplace lui aussi à Paris. Cette fois, ce sont Ramé, Benarbia, Laslandes ou Wiltord qui sont en face, ce n'est pas mal non plus. L'ambiance au Parc est étrange : une partie des supporters parisiens soutiendront les Girondins, les autres ne diront pas grand chose. Sur le terrain, certains spécialistes affirment plus que jamais que les joueurs parisiens n'ont pas mis le pied, et laissé faire. Francis Llacer, joueur mythique, entré en jeu à la 32e à la place de l'international allemand Christian Wörns, a récemment affirmé qu'il n'était pas le seul à avoir eu quelques "absences" durant ce match. Pourtant, le scenario du match semble infirmer cette analyse.

C'est vrai, le marquage et surtout l'alignement de la défense parisienne est étrange sur les deux buts de Wiltord, le meilleur buteur du championnat. C'est vrai, certains parisiens marchent au moment ou le jeune Feindouno part crucifier Lama à la 89e minute. Rappelons quand même que les Parisiens, neuvièmes, n'avaient plus rien à jouer, et c'était la fin de la saison. En sortant du vestiaire, ils étaient tous en vacances. Je n'excuse pas, j'explique. Je ne suis pas sûr que d'autres équipes dans la même situation sportive auraient eu la lucidité suffisante pour fournir une défense exceptionnelle face à la meilleure attaque du championnat (66 buts, 10 de plus que les Marseillais) à la dernière minute de leur saison. Mais passe encore, ok ils auraient du être meilleurs en défense.

Le problème, ce qui ne colle pas avec ce scenario idéal pour entériner la trahison parisienne, c'est qu'ils sont quand même revenus deux fois au score dans ce match, inscrivant deux buts à Ulrich Ramé par Rodriguez, sur un centre rageur d'Algérino, puis par l'improbable Adailton, servi par Leroy. Vincent Duluc, dans l'Equipe, affirmait hier que le pauvre attaquant brésilien, qui sera ensuite une star en D2 italienne et actuellement... en Roumanie, après avoir été comparé à Romario au début de sa carrière, n'était pas au courant qu'il fallait "laisser gagner Bordeaux". Sûr qu'au moment de fêter son deuxième but de la saison en Championnat (en 12 matches), il avait été accueilli très froidement par les supporters, qui ne pouvaient décemment pas fêter le titre marseillais qui s'annonçait. Mais qu'il y ait eu une véritable consigne au sein de l'équipe, je n'y crois pas beaucoup. Après tout, Adailton n'avait pas dribblé toute l'équipe bordelaise avant de marquer, ni frappé de 40 mètres, non, il avait profité du travail de l'équipe derrière lui, et notamment de Leroy. Et face à des Bordelais qui avaient absolument besoin d'une victoire, ce ne devait pas être chose aisée, surtout si vous avez des consignes pour laisser gagner l'adversaire...


PSG-Bordeaux 1998-1999 par marcotige

Et puis même, après ? A la vue de la saison des trois équipes, une victoire de Bordeaux au Parc des Princes était des plus logiques. Comme Marseille, les Girondins avaient le meilleur bilan à l'extérieur, avec 30 buts marqués en 17 déplacements (28 points chacun au total). A l'inverse, Paris terminera avec le 12e bilan (sur 18, donc) à domicile, avec seulement 7 succès pour 6 défaites, 20 buts marqués et 15 encaissés, une misère. Il n'y avait donc rien d'incroyable à voir la meilleure équipe de France - ou, à la rigueur, une des deux meilleures - s'imposer au Parc des Princes, où 5 autres équipes l'avaient précédée.

Deschamps joue-t-il le jeu ?

Ce qui était illogique, en revanche, c'était de voir Marseille, la bête noire du PSG, s'y incliner ! Il est là, le nœud du problème, finalement. Contre les deux équipes, à deux semaines d'écart, le duo Jorge-Bergeroo, qui dirigeait l'équipe, avait aligné à peu près la même formation - ce que ne va pas faire Deschamps ce soir, puisqu'on devrait voir quelques remplaçants comme Kaboré, Gignac, A.Ayew ou Brandao être titularisés contre Montpellier - à savoir leur équipe type, ce qui ne valait pas grand chose face à ces deux équipes pleines de confiance. Mais au contraire de Bordeaux, qui est allé au bout de son match et a respecté un adversaire qui n'était pas ordinaire, Marseille, face au PSG, a cru que sa tâche allait être aisée, a baissé sa garde et a été puni. C'est là qu'il a perdu le titre de 1999, en perdant à Paris, et pas dans le vestiaire parisien, avant PSG-Bordeaux. Si Marseille avait fait le job contre le PSG, le but de Feindouno n'aurait eu aucune incidence, il aurait été pour la gloire, et l'OM n'aurait pas attendu 11 années de plus pour gagner un titre.

C'est un peu la même chose aujourd'hui, pour le PSG. Si le club parisien n'avait pas récemment lâché des points à Nice (0-0) contre Bordeaux (1-1) ou à Nancy (2-1), trois matches largement à sa portée, il regarderait le match de ce soir qu'avec un intérêt tout relatif, puisqu'il compterait 5 ou 7 points d'avance sur Montpellier. Je n'imagine pas Didier Deschamps, ni aucun de ses joueurs, se dire qu'il faut perdre ce match, histoire de faire perdre le titre au PSG. Anigo, encore... mais pas Deschamps.

Mais le fait d'aligner une équipe B, c'est un peu la même chose quand même, c'est dire à tout le monde, et notamment aux joueurs, qu'au fond ce match, ils s'en fichent, que le championnat ne les intéresse plus. Combien d'équipes en France oseraient aligner volontairement des remplaçants face au leader, quel qu’il soit ? On peut dire que sur ce plan là, le championnat est faussé, et la Ligue, en acceptant ce report, y porte une grande responsabilité. Si Montpellier l'emporte face à ces joueurs sortis du banc, en manque de rythme et de confiance, et s'il remporte le titre d'un ou deux points, les supporters parisiens porteront en eux pour des années l'idée que Marseille a triché, et leur a piqué le titre. Même si, là encore, il y aura des choses à redire.

A plus tard ! Et n'hésitez pas à réagir !

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