mardi 17 janvier 2012

Têtes brûlées

Salut à tous,

Y a un adage, dans le foot, qui dit qu'il vaut mieux ne pas trop trahir le moule qui nous a produit, si on veut faire carrière dans ce métier. Je ne sais d'ailleurs pas pourquoi on le réserverait au football, je pense qu'il doit fonctionner un peu partout dans notre société. D'ailleurs, je pense même que c'est exactement ce qui régit notre société. Mais je dévie un peu.

Il y a des exemples de joueurs atypiques dans leur comportement, et qui s'en sont à peu près sortis, sans pour autant respecter à la lettre le guide de bonne conduite du bon footeux. Par exemple, on peut citer Éric Cantona, qui a bien failli ne pas être l'immense joueur qu'il a été en Angleterre, après avoir fait à peu près n'importe quoi en France, à Marseille ou à Bordeaux notamment, sans parler de son passage improbable à Nîmes, juste avant son départ pour Leeds. Entre ces deux derniers clubs, il avait carrément annoncé sa retraite sportive... pas besoin, ensuite, d'énoncer ses faits d'armes dans le nord de l'Angleterre. Malgré un kung fu et quelques déclarations rigolotes, il reste une idole à Manchester, où des joueurs comme Beckham, Scholes ou Ronaldo ne sont pas parvenus à le déloger dans le cœur des supporters.

Plus près de nous, il y a Vikash Dhorasoo, qui n'a jamais réussi à s'intégrer dans un effectif, notamment à Lyon où Coupet lui aurait volontiers fait une tête au carré, alors que ses qualités exceptionnelles de football auraient sans doute du lui permettre de faire beaucoup mieux. Pourquoi ? Sans doute parce qu'il n'est pas de droite, ce qui ne doit pas être fréquent dans ce milieu, parce qu'il lit des livres, et possède un recul et un humour sarcastique peu compatible avec celui, plus proche du sol, de ses congénères. Son film, tourné pendant qu'il cirait le banc lors du Mondial 2006, est le point culminant d'une carrière terminée en point d'interrogation, mais qui l'a quand même vu briller à Lyon, voire même à Milan et au PSG. Pas si mal.

Toujours dans la série "surdoués incompris", notons la présence de deux joueurs au profil assez similaire, Mickaël Pagis et Jérôme Leroy. Le premier, faux avant-centre mais véritable sosie de Brad Pitt, comme le second, milieu polyvalent formé au PSG et qui n'a jamais cessé de changer de clubs au gré de ses envies, n'ont jamais été mus par autre chose que le plaisir de jouer, le jeu, l'esprit. Nonchalants, coléreux, eux aussi auraient pu viser plus haut que le statut de bons joueurs de Ligue 1. Mais ils n'ont jamais accepté de faire les sacrifices nécessaires pour cela, à savoir écraser les autres, faire le beau avec la presse pour obtenir de bonnes notes, céder à la langue de bois, respecter un plan de carrière précis... Non, ils suivaient leur cœur, leur instinct, sur et en dehors du terrain. Au final, même s'ils n'ont pas respecté le code, ils finissent ou ont fini leurs carrières respectives avec la reconnaissance, peut-être pas celle du milieu mais sans doute du public : ils étaient des joueurs purs, des diamants bruts, et qui en plus faisaient lever les stades. Même la presse, qu'ils n'ont pourtant pas vraiment caressé dans le sens du poil, les encense aujourd'hui. Comme Cantona, qu'elle avait pourtant tenté d'écraser à chaque incartade auparavant.

Et puis, il y a des joueurs qui, une fois avoir côtoyé ce milieu si particulier, décident carrément de saborder des carrières prometteuses. Et là, le public, bien aidé par des médias narquois, ne comprend pas : ces mecs ont l'occasion de faire un des meilleurs métiers du monde, souvent rémunéré très au-delà du raisonnable, alors que la crise frappe le monde, et ils refusent de le faire malgré des aptitudes très au-dessus de la moyenne ? Des petits cons, voilà ce qu'ils sont, c'est sûr et certain. Un avis péremptoire et définitif, comme le foot peut en générer si souvent.

Ainsi, il y a quelques mois, Javi Poves, défenseur du Sporting Gijon, en Espagne, décidait d'arrêter sa carrière, à 25 ans. Raison invoquées ? Pas une rupture du troisième ligament interne croisé de la malléole gauche, non non. Je cite : "Le football pro c'est seulement argent et corruption. C'est du capitalisme, et le capitalisme c'est mort. (...) Ce que je sais, c'est que je ne veux pas vivre prostitué comme 99% des gens (...) Je ne veux pas être dans un système qui se base sur les profits qui se font sur la mort d'autres personnes en Amérique du Sud, en Afrique et en Asie. A quoi ça va servir de gagner 1.000€ plutôt que 800€ ? (…) Ce qu'il faut faire c'est aller dans les banques et les brûler, couper des têtes".

Un avis comme un autre, un peu puéril et paradoxal, mais que l'on devrait quand même respecter au plus haut point, pas forcément sur le fond, mais sur la forme, l'esprit. Poves a une conscience, et il la met avant tout le reste, notamment sa réussite sociale et financière. Un geste noble, même s'il peut paraître aberrant au premier abord. Mais qui peut reprocher à un footballeur de ne pas vouloir gagner des centaines de milliers d'euros par an - ou par mois - alors qu'on leur reproche justement l'inverse à chaque heure qui passe ?

Et puis il y a Kevin Anin, 25 ans lui aussi. Un mystère, paraît-il. Un joueur surdoué, une force de la nature, un milieu à l'abattage énorme, capable à lui seul de permettre, l'an passé à Sochaux, à Marvin Martin, Ryad Boudebouz ou Modibo Maïga de jouer au foot comme ils l'aiment, c'est-à-dire en ne défendant pas trop, puisqu'il le faisait pour eux. Cette année il joue peu, et ça se sent. Au Havre, son club formateur, il jouait milieu offensif droit, vous imaginez... un destin à la Makelele en quelques sortes, mais en plus rapide. Peut-être un peu trop, même.

Manifestement, il ne veut plus rester à Sochaux. On le comprend, certes, même s'il a forcément des devoirs envers son employeur. Bouder, c'est moche, ne pas s'entraîner et disparaître, aussi. Le garçon veut partir, point barre. Un comportement énervant, puéril, qui donnerait envie de lui coller quelques mandales si le gamin ne frôlait pas les 1m90 pour 90 kilos de muscles.

Mais je me rappelle d'une interview de lui dans l’Équipe, il y a quelques temps, où il y évoquait son dégout de ce milieu, qu'il n'avait pas forcément envie d'y traîner ses guêtres trop longtemps. Que lui voulait juste jouer au football, sans se prendre la tête, et qu'il était capable de le quitter quand il le voulait. Un peu ce que disait Cantona, à une époque.

Effectivement, on sent qu'il n'est pas heureux. Malgré son talent indéniable, peut-être devrait-il arrêter sa carrière pro. Si c'est pour signer à Nice... difficile d'y voir une amélioration sportive. A-t-il encore envie de faire les efforts pour réussir dans un milieu qui ne lui plait manifestement pas ? Jusqu'où veut-il aller ? Veut-il une carrière à la Pagis ou à la Leroy ? Il en a les moyens, mais dans ce cas il doit jouer, et ne plus se cacher. S'il veut faire comme Cantona, il est sur la bonne voie, mais il n'a pas intérêt à se planter dans ses choix futurs. Car le King a certes quitté certains clubs en claquant la porte... mais il a en a ouvert d'autres, avec beaucoup plus de discernement qu'il n'en paraissait à l'époque.

A plus tard !

2 commentaires:

  1. ouais, en même temps, la vie en société, donc en équipe, ça implique aussi de savoir mettre son égo de coté et ne pas penser qu'à sa gueule... pourquoi faire un sport collectif si on n'est pas capable d'appliquer ce précepte ? Entre la tête de con et le rebelle, il n'y a souvent qu'une différence de point de vue...

    personnellement, j'estime que les joueurs qui s'opposent à leur club pour obtenir gain de cause pour leur transfert ne respectent pas leur engagement. Pourquoi avoir signé un contrat comme Anin avec Sochaux si c'est pour ne pas le respecter ? Mais à te lire, ne pas respecter sa parole, c'est avoir une conscience et être un rebelle... ;-)

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    1. Je ne sais pas justement, je me pose la question ! Je dis aussi que c'est un comportement énervant. Cantona a fait la même chose en son temps, et aujourd'hui c'est une icône de rebellitude, parce que derrière il a réussi... comme je dis, tout dépend de ce qui se passe après. Soit Anin reste un petit con, soit il devient une idole, suivant ses choix...

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