jeudi 19 janvier 2012

De la relativité du but

Salut à tous,

En ce moment se déroule le championnat d'Europe de Handball, dans l'indifférence un peu moins générale qu'auparavant, mais quand même. La France a la meilleure sélection du monde, les meilleurs joueurs de la planète, mais elle traite toujours son équipe de culs-de-jatte comme de simples participants à une compétition handisport qui, soit dit en passant, mériterait également une exposition infiniment supérieure à ce qui lui est réservé habituellement.

Pour un fana de football, par nature imperméable aux autres sports, regarder un match de hand relève de l'expérience psychotrope. Lui pour qui la notion de but revêt un caractère d'exception, unique, une occasion d'exploser ou de s'effondrer, de jubiler ou de déprimer, et toujours de tirer des conclusions définitives sur un joueur ou une équipe, conclusions qui seront en générales battues en brèche dès le match suivant, il se retrouve coincé dans un torrent, un tsunami de buts qui les rendent aussi exceptionnels qu'une touche en retrait pour son gardien chez les manchots. Surnom galvaudé d'ailleurs, puisqu'il est difficile d'imaginer une touche adressée à un gardien avec que des manchots sur le terrain, mais passons.

Un but au foot, c'est une vague qui vous retourne alors que vous étiez en train de vous ennuyer tout en barbotant dans la Méditerranée ; la fève que vous dénichez enfin dans votre part de galette après des années de déception à voir votre petit neveu la recevoir systématiquement, juste pour lui faire plaisir ; c'est, surtout, la scène clé d'un bon film, que vous sentiez arriver car le réalisateur a parfaitement su faire monter la scène. Enfin ça, c'est après qu'elle soit passée parce que en fait, vous n'avez rien vu venir. Ce sera plus tard, en regardant le DVD, que vous vous rendrez compte qu'il y avait des signes qui montraient que le héros allait se retrouver face au méchant dans un délire musical.

Le but, ce trésor

Un but, même un vilain, c'est une pépite, un diamant qui n'est pas poli et qui va se retrouver analysé dans tous les sens, décortiqué à coups de statistiques, de flèches et de ronds étranges. Certains joueurs - les défenseurs et/ou le gardien - se verront reprocher un manque au marquage, une erreur de placement, un tacle raté, un plongeon un peu court ou à contre-temps, un ballon relâché.

D'autres - les attaquants - se verront crédités, au choix, de chance, d'opportunisme, de génie, de réalisme, et seront même accusés d'être "sans pitié", ce qui est presque un compliment en football. On dira du buteur qu'il a été habile, qu'il n'a laissé "aucune chance au gardien", qu'il l'a "fusillé", "à bout portant", ou bien qu'il possède une "frappe de mule", voire une "main à la place du pied". A noter que d'un handballeur, on ne dit jamais qu'il possède un pied à la place de la main, comme quoi c'est définitivement plus facile de marquer avec les membres supérieurs... Sans parler de l'arbitre, qui, lui, ne reçoit que des avis négatifs, au mieux : personne ne dira que l'arbitre a bien fait de ne pas annuler un but si celui-ci est valable. Sinon, il sera "aveugle", "incompétent", "mal placé" - ça c'est sûr, par rapport à une place en tribune de presse devant un ralenti... -, etc. Tout un catalogue, allant de la guerre à l'anatomie, dont la presse sportive de toutes sortes ne cesse de s'inspirer avec plus ou moins de bonheur.

Le but est si rare en foot qu'il est parfois absent de certains matches, entre 5 et 10 % des cas en moyenne. Le plus souvent, il est unique : ça arrive dans environ 20 à 25 % des matches en France. Dans ces cas-là, ils sont donc primordiaux, puisque décisifs. Mais la moyenne de buts par matches se situe entre 2,55 (en France) à 2,86 (en Allemagne). Il y a donc aussi beaucoup de buts inutiles, comme à 2-1 par exemple, mais tellement moins qu'au Hand, finalement.

Alors, imaginez l'étonnement d'un suiveur assidu du foot quand il se retrouve face à un tel spectacle : le hand. Obligation de tirer au but au bout d'une certaine possession de balle : une telle règle révolutionnerait le foot, mais est-elle applicable sur des terrains de 100 mètres quadrillés par 11 joueurs, et pendant 90 minutes ?

Il y a des défenseurs et des attaquants, mais au fond tout le monde fait les deux, et tout le monde marque, sauf le gardien. Tout le monde marque aussi au foot, mais dans des proportions nettement moindre. Ah, et puis difficile de s'habituer à un joueur qu'on aurait repéré ; l'instant d'après, il a disparu au profit d'un autre, qui lui relaissera sa place lors de l'action suivante. Finalement, le seul véritable point commun qui subsiste entre les deux sports, c'est le but. Mais on n'imagine pas les handballeurs fêter chacun de leur but de cette manière, sinon les matches seraient interminables...


Les stats moins utiles au Foot

En effet, il y a entre 40 et 50 buts en moyenne par rencontres : le but au hand est plus fréquent que les fautes, les touches, les tirs et les hors-jeux réunis au football. L'analyse d'un but y deviendrait anecdotique : un défenseur peut être nul sur une action et formidable sur une autre, même chose pour les attaquants. Résultat, les chiffres et les stats sont primordiaux pour analyser le niveau d'un joueur, nettement plus qu'au foot, où un joueur peut être considéré comme formidable sans la moindre statistique pour le prouver, ou nul malgré des chiffres édifiants. Exemple : un milieu défensif, genre Didier Deschamps. Pas de buts, pas de passes décisives, pas de duels aériens... juste l'activité, analysée en nombre de ballons récupérés. Un peu juste quand même. A l'inverse, un buteur à répétition peut être critiqué pour son égoïsme et son peu d'intérêt pour le collectif.

Le but semble ne pas avoir la même importance dans les deux sports, et pourtant, au hand, les rencontres se jouent souvent à un ou deux buts. Lors des derniers Championnats du Monde, entre la France et l'Espagne, il y avait eu match nul (28-28), une bizarrerie, une incongruité. Quasi aussi rare qu'un but, en fait.

A plus tard !

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire